Je suis vidéaste mais aussi photographe depuis plus de 30 ans. Né avec l’argentique, je me suis tourné très tôt vers le numérique, parce qu’il me permettait de me plonger dans la photographie abstraite et de transfigurer ma vision des choses. Je réalise des photos de déco, mais aussi des photos de portrait, du packshot, des photos de mode, fashion, des photos pour la presse, on dit photo reporter ou plutôt pigiste dans mon cas, ça flashe moins, mais c’est le terme exact. Je prends la photo du bébé, de la maternité, d’un enfant, les photos d’adultes, de l’Homme ou de la Femme, de modèles, de couples, jeunes ou moins jeunes. J’ai été parfois photographe de mariages, pas encore de divorces.
Un tourbillon d’images
J’aime la photographie autant que les photographes eux-mêmes. Si je devais en dresser la liste, elle serait très longue et je risque d’en oublier beaucoup : Richard Avedon, Stieglitz, Lange, Walker Evans, HCB, Araki, Desiree Dolron, Bishof, Doisneau, Moon, Parr, Cindy Sherman, Halsman, Parks, une autre Leroy, Catherine, la photojournaliste… sans oublier William Eugene Smith, mon maître, celui qui hante mon regard sur la vie. Beaucoup de photojournalistes finalement dans cette liste et tous des « monstres sacrés ». Il y a aussi beaucoup de jeunes photographes, photojournalistes et plasticiens, moins connus mais qui méritent amplement le détour. J’aime la photographie en général et je suis très admiratif du travail des autres. Je regrette que l’on n’accorde pas à la photographie la place qu’elle mérite dans les galeries, les expositions, les musées. Ce phénomène est surtout très français. C’est un peu comme si après avoir inventé la photographie, nous n’avions eu de cesse que de l’oublier.
Partout, tout le temps
A mes heures « city photographer » ou « street photographer« , Paris, Lille, Annecy, l’Espagne, l’Irlande…Photographe de sport, j’ai shooté le football, le rugby, le basket, le cyclisme, un boulot de marathonien. Photographe animalier aussi, j’aime la nature, les oiseaux, la montagne et la mer, en hiver ou en été, mais je préfère photographier le printemps ou l’automne, le chien qui passe, le chat qui dort, les champs, les espaces, les voyages. Je photographie les fleurs, les paysages, la matière, les textures, les sculptures, l’architecture, les édifices, Noël, les baptêmes et les communions, les anniversaires, l’insolite et le bizarre. Un immense album, gigantesque portfolio dans lequel tout ne rentre pas. Trop moche, ratée, mal éclairée, vilain cadrage, l’album photographique, la galerie, ne peut être enrichi que si la sélection est sévère, parfois trop, parfois pas assez. Une histoire de goûts et de couleurs.
Une sensibilité particulière
Ce que je souhaite montrer à travers mes images ? Une partie de mon âme peut-être. Paradoxalement, photographier c’est se dévoiler, parfois se mettre à nu. On s’imagine tranquille, à l’abri derrière l’objectif et l’on se retrouve sur la scène. J’envisage mes photographies et mon travail photographique sous plusieurs angles. Le regard posé sur, le témoignage, mais aussi le récit et la narration. Cela peut être du reportage, mais je suis parfois d’une banalité affligeante. Je ne suis pas un romancier, plutôt poète et sentimental et je l’exprime à travers de petites séries plus créatives. Pour faire un parallèle avec la littérature, je me sens plus proche de Rimbaud ou de Vian que de Zola ou Victor Hugo. Je suis plus morceaux de jazz que symphonie, plus fragment que monument.
Une valse à trois temps
Ce que je « montre », c’est aussi que rien n’est définitif. Je cite souvent Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme« . Ceux qui pensent que la photographie est un instant figé n’ont rien compris à la photographie. La photographie, c’est le mouvement. Observez les photos de Doisneau ou de HCB (Henri Cartier-Bresson), il y a toujours trois temps, « avant, pendant et après », même si vous ne les devinez pas au premier regard, ils sont là. J’aime la photographie parce qu’elle suggère autant qu’elle montre. Elle est plus proche de l’écriture que le cinéma, qui donne parfois trop à voir, jusqu’au vertige. C’est une chose que je prend très au sérieux lorsque je tourne un film.
La photographie stimule l’imagination, l’interprétation. Lorsque je réalise une photographie, j’imagine autant que je vois. Je sais aussi que le spectateur ne verra pas ma photo comme je la vois. Il imagine d’autres choses, à l’aune de sa vie, de son vécu, de sa propre expérience. Ce faisant, le dialogue s’installe. J’ai vu et j’ai rêvé, je donne à voir. L’autre voit et rêve à son tour, il me redonne à voir. Finalement, je ne sais pas si je cherche à montrer quelque chose ou si je souhaite simplement donner à voir. J’ai si peu de certitudes. C’est peut être cela mon fil d’Ariane, le doute, la liberté d’interprétation.
Photographe est un métier
Travailler en tant que photographe, professionnel, en Pro, ou amateur, reste une gageure, un défi permanent, un vrai métier sur lequel on repose cent fois son ouvrage. Il y a la formation, les écoles, le CAP Photo ou le BTS, les stages, l’université pour quelques-uns, mais surtout la formation continue, le terrain, le contact avec les autres, les commandes, les reportages, le site Internet ou le blog qu’il faut faire vivre, les tarifs, les prix, « et vous me la faite à combien ?« , les négociations, les éditeurs, les clients, les modèles, les maquilleuses, les concours, le droit d’auteur, les livres, les amis photographes, les forums…Et puis il y a le matériel et les accessoires. Les boîtiers, les reflex, les chambres, les objectifs, la lumière naturelle ou artificielle, les éclairages, au flash ou en lumière continue. Des histoires de diaphragmes, de vitesse, de Loi de Réciprocité, sans oublier des blancs qui se balancent, des sensibilités, du champ, du cadrage, de la plongée ou de la contre-plongée…
L’inspiration vient souvent de la musique
Je suis à la fois très et très peu méthodique. J’écris et je dessine de plus en plus pour ne pas oublier ce qui pourrait être une bonne idée, ce qui pourrait constituer une bonne série. Je remplis des cahiers. Passer à la réalisation est une autre histoire. Faute de temps, d’argent ou de moyens humains et ou techniques, je laisse de côté beaucoup de projets. Faute de motivation aussi parfois. Mais je n’évoque ici que la partie artistique de mon activité. Avec les clients, je suis beaucoup plus engagé dans le travail et terriblement perfectionniste. Mon passé de journaliste et de directeur de la communication me permet de gérer les dossiers avec rigueur, enthousiasme et réalisme, sans pour autant me prendre trop au sérieux. L’inspiration vient souvent de la musique qui est la compagne de la créativité. Je suis très éclectique dans mes goûts et jamais « fan de ». Et puis il y a les autres photographes, par période et selon mon humeur et mon état d’esprit. Ma plus grande source d’inspiration, c’est ce que je vois et ce que j’entends. J’ai toujours les yeux grands ouverts. Le monde, la vie, les gens, les choses, la nature, tout est source d’inspiration…
Et la technique ?
C’est comme la grammaire, tu l’apprends et tu l’oublies, mais elle est sous-jacente. On me demande souvent comment je réalise mes photographies numériques. Certains me proposaient même de réaliser un ouvrage sur le sujet. Je préfère que l’on m’interroge sur le fond, le pourquoi de telle ou telle composition. J’ai rencontré des « photographes » sur des expos ou dans des galeries qui n’avaient rien à dire sur leurs « œuvres ». Mais ils pouvaient vanter les qualités de leur boîtier numérique dernier cri avec plus de sens commercial qu’un vendeur de bazar. Et il suffit d’ouvrir les magazines consacrés à la photographie pour se rendre compte que les images sont légendées avec les conditions techniques de la prise de vue, le type d’objectif utilisé et la marque du boitier. C’est un peu comme si chaque strophe d’un poème d’Apollinaire était accompagnée d’une légende indiquant la marque du papier, de la plume, la qualité de l’encre…
C’est dans ta tête, ton cœur et ton œil
A une époque, pas si lointaine, j’évoquais seulement quelques détails techniques sur mon site Internet de photographe. Cela me permettait de répondre aux sempiternelles questions que l’on me posait et de souligner que la technique n’est pas une finalité. Sur le site que je prépare et qui aura pour vocation de former à la photographie, j’ai décidé de me replonger dans la technique pour fixer les points importants. C’est une étape nécessaire mais terriblement insuffisante. Mon ambition est de replacer le geste et la sensibilité au cœur de l’apprentissage.
Le problème avec la photographie, c’est que la plupart des gens qui ont un appareil entre les mains estiment être photographe. Je possède une truelle et pourtant je ne suis pas maçon, loin s’en faut. Ce n’est pas l’outil qui fait l’artisan, mais l’usage qu’il en fait. Et ce n’est pas dans la main que cela se passe, mais dans la tête. Il y a trente ans, pour apprendre la photographie, mon père m’a simplement expliqué qu’il y a une sensibilité, un temps de pose, un diaphragme et la loi de réciprocité. A l’époque, je devais tout régler manuellement, rien n’était automatique et je travaillais avec une cellule à main (Une Leningrad pour l’anecdote, que j’ai conservée). C’était la meilleure école. Le reste est venu par la suite, à force de pratique et de lecture de quelques ouvrages de base. Le regard intense, l’instinct du cadrage, de la composition, la perception intime de la lumière, de la couleur ou du noir & blanc, la sensation de contraste, ça ne s’apprend pas, ni à l’école, ni dans les livres. C’est dans ta tête, ton cœur et ton œil.
Une passion pour l’image
Sacrée invention que la photographie, la belle photographie, la photographie artistique. Que de chemin parcouru depuis Niepce (qui a inventé la photographie) et Nadar (et les premières photographies aériennes), depuis la photographie du XIXème siècle, en passant par la photo des années 50, puis la révolution du numérique, l’abandon progressif de l’argentique…Oubliés les halogénures, les laboratoires, l’alchimie du développement et du tirage. Place au pixel, à l’écran, au diaporama, à la photographie contemporaine, de quoi donner du grain à moudre à l’académie des sciences et aux chercheurs en histoire de la photographie. La photographie en noir et blanc n’a pas disparu, les photojournalistes non plus. La photographie couleur s’est étoffée, elle reste subjective…
Je rêve toujours de devenir sculpteur
Suis-je vidéaste, photographe, artiste ? Rien de tout cela et tout à la fois. L’artiste selon moi, c’est celui qui se renouvelle, ou qui embrasse tout le champ de son art, ou encore celui qui parvient avec bonheur à s’exprimer dans différents domaines, la peinture, le dessin, la sculpture, la musique, la photographie. C’est Dali ou Picasso, Léonard de Vinci. Je pense que l’artiste, le vrai, c’est celui qui propose, qui prend des risques, qui supporte le regard des autres et la critique. Je préfère que l’on me dise très honnêtement, « je n’aime pas ce que vous faites » et engager la conversation. Le dialogue est enrichissant. Je ne suis pas un artisan et pas encore artiste, je ne propose pas assez. Et puis, je ne me sens pas photographe. Pour la SAIF (Société des Auteurs de l’Image Fixe) je suis inscrit en tant que photographe, comme nombre de mes amis, mais je me présente rarement comme photographe…J’adore l’image mais je rêve toujours de devenir sculpteur.
Guillaume Pierre LEROY